Le sermon de Saint Antoine aux poissons
Dans les écoles on étudie un peu l’œuvre du Padre António Vieira.
Fernando Pessoa l’a surnommé l’ « empereur de la langue portugaise ».
António Vieira est né à Lisbonne le 6 février 1608. Fils d’un écrivain officiel, il part avec ses parents pour le Brésil à l'âge de six ans. C’est chez les jésuites qu’il suivra sa scolarité et découvre sa vocation de missionnaire. Contre la volonté de son père, il intègre la vie religieuse.
Élève brillant, António Vieira fait rapidement preuve de dons de grand orateur. Il est ordonné prêtre en 1634, remonte les fleuves, parcourt une grande partie du Brésil, apprend la langue des indiens et passe à dédier sa vie à leur protection et évangélisation. Il deviendra médiateur de leur cause auprès du roi João IV.
Prêtre, écrivain et diplomate, sa vie intense est une suite de luttes pour atteindre ses objectives de justice et d'égalité entre les hommes, souvent au péril de sa vie.
António Vieira se crée beaucoup d’ennemis parmi les colons. Les intérêts en place sont puissants et l'inquisition le surveille. Alors il utilise sa maitrise de la langue portugaise pour convaincre et émerveiller ceux qui écoutent ses
sermons. Il devient ami intime et conseiller du roi durant son séjour à Lisbonne. Ses paroles trouvent un excellent accueil auprès du Pape lorsqu’il y cherche protection, et d’autres souverains se rendent au talent de sa diplomatie.
P. António Vieira prêchant aux indiens
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La veille de partir pour le Portugal en 1654, avec les propositions sensées améliorer la condition des indiens, du haut de sa chaire, il dirige, en particulier aux colons par le biais d’allégories, un de ses plus fameux textes, le sermon de Saint Antoine aux poissons.
António Vieira rappelle que Saint Antoine, après avoir en vain essayé de prêcher aux hommes qui ne voulurent pas l’entendre, n’abandonna pas son propos, se dirigea vers la mer et appela les poissons qui en grand nombre s’approchèrent pour l’écouter.
Alors António Vieira questionne « Enfin, que prêcherons-nous aujourd’hui aux poissons » ?.......C’est un très long sermon de 22 pages ; j’essaye d’un traduire librement une petite partie, alors que António Vieira (comme le faisait Saint Antoine) continue à s’adresser aux poissons
….Mais avant que vous vous en alliez, de la même façon que vous avez entendu vos louanges, écoutez aussi les reproches. Si elles ne vous guériront pas, au moins qu’elles vous servent pour vous interroger. La première chose qui me choque en relation à vous, poissons, c’est que vous vous mangez les uns les autres.
C’est une grande honte, et les circonstances la rendent encore plus grande. Non seulement vous vous mangez les uns les autres, mais les grands mangent les petits. Le contraire aurait été moins grave. Si les petits mangeaient les grands, un grand serait suffisant pour beaucoup de petits ; mais comme les grands mangent les petits, ni cent, ni mille petits ne suffisent pour un grand. Voyez comme déjà St Augustin trouvait cela étrange…. Les hommes, avec leur mauvaise et perverse cupidité, finissent par être comme les poissons, ils se mangent les uns les autres. Ainsi qu’elle chose si éloignée non seulement de la raison, mais aussi de la nature, car étant tous crées dans le même élément, tous citoyens de la même patrie, et en fin de compte tous frères, vous vivez en vous mangeant les uns les autres! Saint Augustin, qui prêchait aux hommes, pour montrer la laideur de cette honte, l'a attribuée aux poissons; et moi, qui prêche aux poissons, pour que vous voyez combien elle est laide et horrible, je veux que vous la voyez dans les hommes. Vous, les poissons, à partir de la mer regardez vers la terre….
....Antes, porém, que vos vades, assim como ouvistes os vossos louvores,ouvi também agora as vossas repreensões. Servir-vos-ão de confusão, já que não seja de emenda. A primeira cousa que me desedifica, preixes, de vós, é que vos comeis uns aos outros. Grande escândalo é este, mas a circunstância o faz ainda maior. Não só vos comeis uns aos outros, senão que os grandes comem os pequenos. Se fora pelo contrário, era menos mal. Se os pequenos comeram os grandes, bastara um grande para muitos pequenos; mas como os grandes comem os pequenos, não bastam cem pequenos, nem mil, para um só grande. Olhai como estranha isto Santo Agostinho.... "Os homens com suas más e perversas cobiças, vêm a ser como os peixes que se comem uns aos outros". Tão alheia cousa é, não só da razão, mas da mesma natureza, que, sendo todos criados no mesmo elemento, todos cidadãos da mesma pátria, e todos finalmente irmãos, vivais de vos comer! Santo Agostinho, que pregava aos homens para encarecer a fealdade deste escândalo, mostrou-lho nos peixes; e eu, que prego aos peixes, para que vejais quão feio e abominável é, quero que o vejais nos homens. Olhai, peixes, lá do mar para a terra.....
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António Vieira a laissé une vaste oeuvre de 200 sermons, des lettres, des études, de grande clarté et modernité.